LA GESTION ASSOCIATIVE

DE

L'ACTION SOCIALE

 

Journée des bénévoles et professionnels de la Sauvegarde de l’Enfance de Saint Etienne

1995

 

 

1 - RESSOURCES ASSOCIATIVES

            1.1 - SPECIFICITES

            1.2 - STATUT ASSOCIATIF

 

2 - LÉGITIMITÉ ASSOCIATIVE

            3.1- FONCTIONNEMENT ASSOCIATIF

            3.2- LA PRODUCTION SOCIALE

 

3 - MISE EN OEUVRE

            3.1 - LA NOTION D'UTILITE SOCIALE

            3.2 - APPLICATIONS AUX DIFFERENTS ACTEURS

 

 

1 - RESSOURCES ASSOCIATIVES

 

J'entends par ressources ce que l'ASSOCIATION possède, non pas tant en avoirs fonciers, immobiliers, etc., que ce qu'elle possède par le travail des uns et des autres. On peut distinguer ses ressources propres, constituées par son histoire et son expérience, et son statut d'association qui s'oppose à d'autres types de statut social.

 

 

1. 1 - SPECIFICITES DE L'ASSOCIATION

 

 

1.1.1- LA FONDATION

 

Les conditions de naissance d'une institution font partie de son acquis et en orientent l'avenir, soit qu'on reste fidèle à l'intuition de départ, soit qu'on s'en écarte volontairement ou sous l'effet des circonstances.

 

1.1.2- L'EXPÉRIENCE ACQUISE

 

C'est l'accumulation des histoires survenues depuis le début : somme des débats internes, des réactions aux événements, des innovations, des scissions, etc., concernant :

 

+ l'évolution des structures : en ce qui vous concerne, on peut noter l'ouverture des services de tutelle à la demande du juge, la récente mise sur pied d'un service d'accompagnement social des bénéficiaires du RMI et des demandeurs de logement ;

 

+ l'expérience des personnels : vous voyez poindre les problèmes suscités par les différences d'expérience acquise entre les plus anciens d'une organisation et les plus récemment entrés, qu'ils soient professionnels ou administrateurs ;

 

+ la sensibilité propre de chacune des associations composant l'union départementale : leur poids respectif et l'expansion de l'une ou l'autre peuvent modifier la composition du Conseil d'administration et les orientations dans les propositions et le travail professionnel.

 

 

1.1.3- L'ADAPTATION À LA CONJONCTURE

 

Il s'agit dans le moment présent de la manière de réagir à l'environnement, compte tenu des personnes et des structures de ce moment. Ce moment présent est fluide : c'est toujours le dernier en date. Cela veut dire concrètement, pour une organisation vivante, qu'il lui faut toujours réagir à l'environnement changeant.

 

Il convient de tenir compte de ces trois sources, entre autres. Une organisation vivante n'est pas la simple conservation d'une intuition de départ, ni la somme des acquis, ni la réaction au moment présent. Elle réagit en fonction de son passé et de l'expérience des uns et des autres.

 

 

1.2 - UN STATUT ASSOCIATIF

 

 

1.2.1- ÉCONOMIE DE MARCHÉ, ÉCONOMIE ADMINISTRÉE

 

On distingue dans l'économie deux formes de gestion : l'économie administrée et l'économie de marché. L'économie de marché joue sur l'offre et la demande et le prix des objets échangés dépend de ce rapport offre/demande. L'économie administrée a des ressources indépendantes de la valeur des échanges. On distingue deux autres modes de gestion : privée et publique. Je donne des exemples à partir du tableau suivant qui indique les modes de financement de ces structures.

 

économie

 

administrée

de marché

publique

subventions

publiques

offre/demande +

injonctions publiques

privée

 

cotisations

des membres

offre/demande

 

Economie administrée publique : les administrations de l'Etat, des Collectivités territoriales…

Economie administrée privée : associations de loisirs…

Economie de marché publique : EDF, SNCF…

Economie de marché privée : les entreprises privées.

 

Vous voyez que ces distinctions théoriques ne sont pas aussi nettes dans la réalité : il existe des subventions aux entreprises (avantages pour certains secteurs d'activités, primes à la consommation ou à l'embauche…), et des associations reçoivent des subventions ou font des échanges commerciaux…

 

Pour des associations qui ont des activités marchandes ou des services publics, il convient de mieux distinguer ce qu'est la gestion associative par rapport à l'administration publique et à l'économie marchande.

 

 

1.2.2- ASSOCIATION, ADMINISTRATION PUBLIQUE, ECONOMIE MARCHANDE.

 

L'association qui a un service social se distingue d'une administration publique (exemple : service social de la Justice) ou d'une entreprise commerciale (exemple: maison pour personnes âgées), moins par ce qu'elle fait dans ce secteur social ou par les professionnels qui la composent (et pourraient travailler dans d'autres types de structures), que par ce qu'elle est en elle-même : elle est une convention passée entre citoyens selon la loi de 1901 sur les associations. Mais d'autres points restent à préciser.

 

+ Association comme Administration publique poursuive un but non lucratif : l'important est dès lors de savoir équilibrer un budget, tandis que l'entreprise marchande doit dégager des bénéfices.

 

+ Administration et Entreprise travaillent avec des professionnels, mais l'Association peut, quant à elle, intégrer à sa propre marche des bénévoles.

 

+ Association et Entreprise reposent sur la volonté commune d'un certain nombre de personnes; mais une administration publique dépend de la volonté des Pouvoirs publics.

 

La loi qui régit une association est définie par ses adhérents. Celle d'une entreprise doit s'adapter aux lois du marché. Pour l'administration, c'est la loi de l'Etat.

 

Ces trois grandes modalités de fonctionnement ne sont pas hermétiques.

 

+ L'administration publique peut déléguer une mission de service public à une entreprise (ex. distribution de l'eau), ou une association (ex. la tutelle judiciaire).

 

+ Des associations peuvent avoir une activité commerciale soumise aux lois de la concurrence ou bien encore le secteur de l'économie sociale qui précisément cherche à mener une activité économique ordinaire, tout en promouvant un fonctionnement interne associatif.

 

Les problèmes naissent aux frontières. Par exemple une association de boulistes qui n'a comme activité que l'organisation de loisirs pour ses adhérents présente peu de problèmes. Une association qui embauche des salariés, qui organise des activités de service public ou des activités marchandes, aura davantage de difficultés pour préciser ses buts et son fonctionnement interne.

 

 

1.2.3- UN FONCTIONNEMENT ASSOCIATIF

 

Dans une association, il y a des adhérents et des administrateurs élus par les adhérents. Une union d'associations, lorsqu'elle a des objectifs de coordination ou de représentation, possède une structure faible : quelques emplois administratifs et des structures de concertation. Si on crée un service spécialisé, on embauche des professionnels spécialisés dans cette tâche que les administrateurs ont décidée de mettre en oeuvre. A côté des tâches administratives, existent alors des tâches qui remplissent l'une des fonctions de l'association : par exemple éduquer des enfants, organiser des loisirs, assurer la tutelle judiciaire…

 

Théoriquement, les adhérents d'une association définissent les axes d'action de l'association. Les salariés appliquent les décisions de l'association. Ils en réalisent les objectifs. L'association en contrôle l'application. L'association est en situation de "patron", au sens où elle définit les objectifs et emploie des personnes à leur réalisation.

 

Dans la pratique du secteur social, ce sont les professionnels salariés qui bien souvent définissent, certes en concertation avec les administrateurs, les axes de conduite de l'association. En effet, leur importance en nombre, en expérience, en compétences, est telle que parfois ils peuvent apparaître comme les véritable responsables de l'action sociale : par exemple on connaît le directeur du Centre social, mais bien moins le président de l'association, on en connaît les animateurs mais pas les membres du bureau. Quand tout va bien, pas de problème. Mais lorsqu'une crise s'annonce, alors on se demande qui fait quoi dans ce système associatif : qui paie ? qui embauche ? qui décide ? qui licencie ? qui crée un service ou le supprime ? Sur le papier, c'est assez clair. Dans les faits, tout dépend de l'histoire antérieure de cette association, de l'expérience acquise des uns et des autres (leurs personnalités et de leurs compétences) et de leur capacité de réaction à leur environnement du moment (leurs relations avec les autres associations, les pouvoirs publics, les courants de pensée et d'action du moment qui les traversent, etc.).

 

 

 

2 - LÉGITIMITÉ DE LA GESTION ASSOCIATIVE

 

 

Maintenant j'essaie de répondre à cette question : pourquoi des services sociaux gérés par des associations ? La légitimité de la gestion associative s'appuie sur :

- un type de fonctionnement interne

- une valeur ajoutée par cette gestion, une plus-value.

 

 

2.1 - UN TYPE DE FONCTIONNEMENT INTERNE

 

 

+ La loi de 1901 est la référence. Une association est la convention libre de personnes qui se mettent ensemble pour réaliser un objectif.

 

QUESTIONS : comment concilier ce contrat librement consenti avec les règles du Code du travail qui définissent ce qu'est un contrat de travail (dans le cas d'association employeur) ? Les salariés doivent-ils s'impliquer autrement dans une association que dans une administration ? Si oui, en contrepartie qu'ont-ils comme droits à l'intérieur de l'association ? Si non, pourquoi en association faire gérer un service social par des salariés ?

 

+ Une association est caractérisée par sa capacité à associer : associer des bénévoles et des salariés, associer des fonds publics et des dons privés, associer des militants et des subordonnés (c'est-à-dire des personnes qui ont un lien salarial avec un employeur), associer des financements publics et des cotisations d'adhérents, etc. On insiste fréquemment sur cette capacité-là. Mais cette souplesse a des contreparties.

 

Elle exige un transparence de gestion pour identifier les flux.

QUESTIONS : qui paie quoi ? par quel canal ? pour quelle raison ?

 

Elle exige un partage des responsabilités.

QUESTIONS : qu'est-ce qui relève de l'action militante et du travail rémunéré ? qu'est-ce qui relève du bénévole et du professionnel ? etc.

 

En conséquence, la communication interne est le nerf du système associatif,

- bien plus que dans l'administration, même si les directives administratives doivent se conjuguer avec des prises de responsabilités au sein de chaque service (dans le cadre de la modernisation du service public),

- bien plus que dans l'entreprise même si on cherche à y créer un esprit d'entreprise.

 

QUESTIONS : comment circule l'information ? Comment s'organise la réflexion ? Comment réflexion et action sont-elles connectées ?

 

Une gestion associative dans le domaine social repose sur "l'association" des uns et des autres. Le mot dit bien ce qu'il veut dire.

 

 

2.2 - LA PLUS-VALUE ASSOCIATIVE

 

 

Une action de type social menée en mode associatif produit une valeur propre, que n'engendrent ni la gestion administrative ni la gestion commerciale. Une fois ceci affirmée, il faut le vérifier dans les faits.

 

+ Certains pensent tout de suite à une plus-value qui viendrait en fait d'une économie de coût. Les apports spécifiques (apport de dons, apport de bénévoles) permettent en effet de diminuer le coût de cette action sociale. La plus-value serait en fait un moindre coût. C'est souvent l'argument des financeurs. Si le seul avantage de la gestion associative était là, on pourrait s'interroger sur ce côté "exploitation des bonnes volontés". Et pourquoi pas, alors, demander des heures supplémentaires gratuites dans les entreprises au nom de la sauvegarde des emplois, ou dans les administrations au nom du service public ?

 

La plus-value associative ne se traduit pas qu'en termes économiques, même si ce sont les critères économiques qui aujourd'hui sont les plus entendus. BLOCH-LAINE parle des "spécifités méritoires" des associations, la FONDA de "production sociale", les rapports du Conseil Economique et Social de "valeur ajoutée", plusieurs aujourd'hui parlent de "valeur sociétale" pour préciser qu'il s'agit de valeurs qu'une société se donne à un moment donné : par exemple aujourd'hui la valeur de "cohérence sociale", ou de "ré-insertion sociale", qu'on attend de la gestion associative.

 

Mais, comme dit le Conseil Economique et Social dans son avis du 01 avril 1994 :

 

L’oeuvre associative dépasse le service rendu. Ce qui fait sa valeur ajoutée, au-delà de son savoir-faire et de son rôle de cohésion sociale, c'est l'existence associative même qui constitue en tant que phénomène collectif une valeur de société.

 

Effectivement, la loi de 1901 sur les associations est l'une des caractéristiques de la société française comparée à d'autres systèmes sociaux.

 

Je vous propose trois fonctions pour définir cette "valeur associative" :

 

- fonction de veille sociale

- fonction de force de proposition

- fonction de construction du lien social.

 

 

2.2.1- UNE FONCTION DE "VEILLE SOCIALE"

 

Une association met ensemble des professionnels, travailleurs sociaux, et des militants sociaux. La "veille sociale", c'est sa capacité à détecter les nouveaux besoins des populations que les uns et les autres rencontrent, en somme à représenter les intérêts de ces populations plus souvent assistées que responsables et citoyennes.

 

La mise en oeuvre de cette capacité suppose que le fonctionnement même de l'association le permette, en conjuguant les différentes logiques en présence (celles des professionnels du secteur social, des adhérents de bonne volonté, des personnes du monde économique, des représentants d'autres associations, etc.), en faisant se rencontrer les différents acteurs sociaux concernés.

 

Pour cela, il ne faut donc pas se laisser enfermer par les pratiques que l'on a mises en place, enfermer dans l'administration des services rendus. Cette fonction de "veille" suppose d'être en éveil permanent, attentif aux changements sociaux.

 

QUESTIONS : comment sont associées dans cette activité de vigilance les différents acteurs :

- travailleurs sociaux qui font valoir leur compétence et leur expérience

- militants qui font valoir leurs options de militants

- gestionnaires qui font valoir les exigences d'une saine gestion ?

 

 

2.2.2- UNE FONCTION DE FORCE DE PROPOSITIONS.

 

Pour cela il y a d'une part l'expérience acquise des professionnels et d'autre part l'expérience des militants sociaux.

 

QUESTIONS : comment s'associent ces deux types d'expérience ? Dans des commissions de réflexion  ? Dans des instances de concertation ? Dans un Conseil d'administration ? Etc ? Sous quelle forme ?

 

L'ASSOCIATION a une grande activité de proposition par rapport à d'autres associations qui ont une grande activité de gestion : gestion de personnels, gestion de bâti, gestion comptable…Mais on constate qu'il est de plus en plus difficile dans une association d'exercer cette fonction de force de proposition au fur et à mesure que les prestations de service augmentent en importance, s'institutionnalisent et occupent le terrain de l'action quotidienne. Ainsi l'augmentation du nombre d'activités gérées par des salariés entraîne l'augmentation du nombre de salariés. Lorsque les salariés sont nettement plus nombreux que les administrateurs on arrive à une situation où les militants sont largement occupés par leur tâche d'employeurs et de gestionnaires : gestion des personnels, équilibre budgétaire, montage des projets, demandes de financement…

 

QUESTIONS :

Comment concilier la tâche d'administrateur et de gestionnaire avec celle de militant d'une cause sociale ? Comment concilier la tâche d'employeur avec celle de militant ? Comment répartir les fonctions entre salariés et bénévoles ?

 

 

2.2.3- UNE FONCTION DE CONSTRUCTION DE LIEN SOCIAL.

 

Cette fonction s'exerce de plusieurs manières : par un type d'accompagnement des personnes, par une capacité de mise en relation.

 

+ un type d'accompagnement des personnes

 

Une association, théoriquement, a le souci des personnes, puisqu'elle est une convention libre entre personnes volontaires, davantage que d'un public. Pour cela, elle a un savoir-faire qui prend du temps, et ce temps passé auprès des personnes doit être comptabilisé non pas en perte (de temps) mais en un investissement productif, comme par exemple le temps que l'on passe en formation est un investissement. Car ce qui compte, ce n'est pas que le produit offert (une prestation, une activité, un service, etc.), mais c'est le bénéficiaire, auprès duquel on peut "assurer des accompagnements et des transitions tout au long d'une gamme d'interventions" , comme le dit Henri THERY. L'activité d'accompagnement social représente tout à fait la compétence associative.

 

QUESTIONS : comment s'exerce cette compétence ? Uniquement par des salariés choisis à dessein ? Avec des bénévoles ?

 

+ une capacité de mise en relation

 

La vitalité de l'association, l'intensité de ses relations internes, son influence dans le contexte local, permettent de tisser des liens et d'insérer les bénéficiaires de son action dans un corps social (par exemple une institution de soins, un centre de vacances) ou dans un réseau social (par exemple en mettant en relation les personnes avec d'autres institutions ou d'autres personnes). Les propositions de l'ASSOCIATION en faveur des personnes âgées en maisons représente tout à fait cette capacité associative à mettre en relation.

 

QUESTIONS : qui met en relation ? Les salariés ou les militants ? Les salariés avec les militants ? En faisant appel à leurs relations personnelles ? aux associations de l'union ? aux associations de quartier ? …

 

UN PROJET COMMUN ASSOCIATIF

 

La conjugaison de ces capacités : veille sociale, force de proposition, production de lien social, peuvent caractériser la gestion associative par rapport à la gestion administrative et à la gestion commerciale.

 

Dans une administration, la capacité de veille sociale repose principalement sur les professionnels (ceux des services sociaux ou les experts appelés à détecter les nouveaux besoins), mais assez peu sur les usagers eux-mêmes ou sur les représentants de la société dite "civile". Dans une administration la force de proposition est souvent entravée par les règles de gestion publique. Quant à la production de lien social, elle y repose essentiellement sur la qualité des fonctionnaires (leur accueil par exemple) et pratiquement pas sur les structures.

 

L'entreprise commerciale, prenons l'exemple d'une société qui gère des maisons de retraite, a de la difficulté à exercer une mission de veille sociale et on a constaté que beaucoup s'étaient trompées dans l'évaluation des besoins des personnes âgées. Quant à la force de proposition, une entreprise peut inventer des services, mais reste soumise à la rentabilité. La production de liens sociaux lui est difficile car même si elle cherche à créer une animation interne, elle parvient peu à intégrer vie des familles ou vie du quartier.

 

Ces capacités, il reste à les inscrire dans une action commune, que va définir un projet : le projet associatif. Le projet est davantage que la somme des intérêts de ses membres. Il concerne le bien commun d'une société donnée à un moment donné. Par exemple face au chômage, face à l'exclusion sociale, face à la délinquance, etc. Il est donc situé, daté. Il concentre une histoire, des expériences, pour un temps donné (3, 5, 10 ans), dans un contexte donné.

 

Le projet permet d'"associer des énergies et des acteurs différents, d'articuler des tâches complémentaires" (THERY). Il traduit pour une période donnée la mission de l'association, ce que l'on nomme son "utilité sociale".

 

 

 

3 – MISE EN ŒUVRE : L’UTILITÉ SOCIALE

 

 

Cette notion est importante : elle est reconnue officiellement par le Code de la famille. La notion d'"utilité sociale" permet de distinguer les associations tournées uniquement vers la satisfaction de leurs propres adhérents (exemple : une association de boulistes) des associations qui remplissent une mission tournée vers d'autres personnes que leurs propres membres.

 

 

3.1 - DÉFINITION

 

Cette notion peut se définir par rapport à la demande sociale et par rapport à la production sociale.

 

+ Par rapport à la demande sociale, elle se situe alors entre l'administration et le marché.

 

- L'association répond à des besoins non couverts par le marché, car généralement les familles qui ont ces besoins de services sociaux ne sont pas solvables.

 

- L'association répond à des besoins non couverts par les solidarités obligatoires définies par l'Etat et la loi : l'association se préoccupe des "solidarités volontaires". L'Etat, les Collectivités Territoriales et la Sécurité Sociale s'occupent principalement des solidarités collectives légales. Les solidarités "volontaires" sont celles de la vie associative, de la famille, du voisinage, etc. ; ce sont des solidarités de proximité. Lorsqu'une association gère une solidarité légale, elle le fait donc dans l'esprit associatif, c'est-à-dire dans le souci de créer des liens sociaux de proximité : c'est le cas des services de la tutelle et de l'accompagnement social.

 

+ Par rapport à la production sociale, la notion d'utilité sociale se situe alors dans la société civile.

 

En association, des citoyens peuvent ensemble d'une manière volontaire se donner un projet, réaliser leur projet en créant entre eux du lien social, en créant autour d'eux du lien social, sans autre intérêt que leur propre satisfaction, c'est-à-dire sans but lucratif.

 

Dès lors, nous voyons des critères d'utilité sociale précis se mettre en place :

 

- adhésion volontaire au projet,

- innovation par rapport au marché ou à la prescription légale,

- souci de production de liens sociaux de proximité,

- gestion désintéressée.

 

 

3.2 - APPLICATIONS AUX AGENTS DE L'ASSOCIATION

 

 

Ces critères doivent pouvoir s'appliquer à tous les acteurs : administrateurs et professionnels, salariés et bénévoles.

 

3.2.1- LES ADMINISTRATEURS

 

Ils ont à assumer plusieurs fonctions pour réaliser cette utilité sociale. J'en ai sélectionné trois, mais on pourrait en identifier d'autres.

 

Fonction militante

 

On entend par là qu'il sont des personnes désintéressées qui s'engagent volontairement dans un projet commun. ce sont des bénévoles mais on les distingue des "bénévoles" qui eux remplissent au sein de l'association une tâche non rémunérée qu'un salarié pourrait occuper si le financement en était organisé (exemple : soutien scolaire, professeur de gymnastique douce dans un Centre social ou suivi individualisé des demandeurs d'emploi). Selon la loi de 1901, la fonction d'administrateur associatif ne peut pas être rémunérée.

 

QUESTIONS : la légitimité de l'administrateur est-elle toujours sûre ? Comment se font les adhésions ? les élections ?

 

Fonction de lien social

 

Le lien social que peuvent tisser les administrateurs se traduit :

- d'une part par le règlement intérieur de leur association qu'ils édictent,

 

QUESTIONS :

- comment sont organisées les relations entre administrateurs et professionnels, entre salariés et bénévoles ?

- quel type de contrat (en dehors du contrat légal de travail) lie employeurs et salariés au sein de l'association ?

 

- d'autre part par la représentation de l'association qu'ils assurent auprès des Pouvoirs publics, des organismes sociaux et de l'opinion,.

 

QUESTION : est-ce une représentation par les militants seuls ou avec des salariés ?

 

Fonction d'innovation

 

Le travail de veille sociale et de force de proposition, caractéristiques de la vie associative,  suppose d'être bien administré, avec des méthodes de financement, d'évaluation, de travail en commun, qui permettent aux professionnels et bénévoles de remplir leurs missions.

 

QUESTIONS : comment est administrée cette tâche de veille et de proposition ? avec quelle méthode ? quelles structures ? quels financements pour dégager du temps aussi bien pour les militants bénévoles que pour les salariés de l'association ?

 

 

3.2.2- LES PROFESSIONNELS DANS L'ASSOCIATION

 

Là aussi j'ai pris deux fonctions, que l'on pourrait d'ailleurs nommer autrement. Et il y aurait bien d'autres aspects du travail social à aborder. Ce sont là encore juste des exemples.

 

Fonction d'animation

 

Les professionnels participent à la création de liens sociaux autour des personnes dont ils ont la charge. Ce qui peut exiger d'eux une façon d'accomplir leur "métier" différente de ce qu'ils pourraient faire au sein de la fonction publique ou d'une entreprise commerciale du secteur social.

 

QUESTIONS :

- quelle relation y a-t-il entre travail rémunéré et travail volontaire et militant dans la tâche des salariés d'une association ? Ce peut être l'objet de bien des discussions.

- comment se construisent les liens sociaux dans l'exercice du "métier" (en dehors des liens tissés entre le professionnel et la personne dont il s'occupe directement) ? Comment tisser des liens avec les autres membres de l'association, avec les familles, avec le quartier, etc. ?

 

Fonction citoyenne

 

L'adjectif n'est peut-être pas bien choisi, mais c'est pour dire que le fait de travailler dans une association suppose un choix, étant bien entendu qu'il existe aussi des nécessités dont la première est certainement celle de devoir gagner sa vie :

 

- un choix par rapport à d'autres institutions (fonction publique, entreprise),

- un choix par rapport aussi à d'autres associations (ce qui requiert un accord avec le projet de l'association).

 

QUESTIONS :

- exige-t-on des salariés de l'association un mode travail différent, en termes d'horaires, d'activités militantes, de coopération avec des bénévoles ou d'autres associations, de participation à la construction d'un projet associatif ... ?

- l'adhésion au projet associatif doit-elle être une référence du contrat de travail lui-même ?

 

Ce sont des points à discuter.

 

 

La notion d'utilité sociale concerne donc :

 

- le domaine d'action (qui se situe entre le marché et l'administratif légal),

- la qualité des agents (salariés et bénévoles),

- la modalité d'action de ces agents (association volontaire de citoyens, coopération salariés-administrateurs, valeur proprement associative).

 

La gestion associative de l'action sociale cherche donc à organiser l'action commune à des agents différents par leurs statuts, leurs responsabilités, leurs compétences.

 

 

DOCUMENTATION

 

Deux rapports adoptés par le Conseil Economique et Social, celui de Henri THERY en 1986, celui de Marie-Thérèse CHEROUTRE du 1994,

- les travaux qui ont abouti au sein de la FONDA Rhône-Alpes à la Charte des associations en 1993-1994,

- les réflexions de François BLOCH LAINE, en particulier un article intitulé "Identifier les associations de service social" dans Revue des Etudes Coopératives (RECMA) n°251, 1994.

 

 

Georges Decourt