LES LEÇONS DE LA CRISE AU CONSEIL REGIONAL  EN RHONE ALPES

 

 

La situation politique du Conseil régional de Rhône Alpes nous oblige à nous interroger sur les fondements de la démocratie française et la nature de la tâche politique dans notre pays.

 

La démocratie en France

 

Depuis la Révolution de 1789, en France c'est le peuple qui est le souverain. Ce qui signifie deux choses : d'une part il n'y a plus de privilèges liés à la naissance, à l'appartenance à un ordre, à une corporation ou à un territoire, tous les citoyens sont égaux en droit, il n'y a plus d'arbitraire du prince, tous les citoyens sont libres et responsables du bien commun, il y a en contrepartie un devoir de solidarité nationale, tous les citoyens sont frères ; d'autre part le peuple règne, c'est la démocratie, et il faut trouver les meilleurs moyens d'expression de la volonté populaire.

 

A défaut de démocratie directe pour un aussi vaste ensemble humain, l'organisation de représentations des citoyens s'est élaborée par de nombreuses réformes ; le danger est que sous couvert de représentation nationale ne se reconstituent les anciens privilèges liés à la fortune familiale, à l'appartenance à de grands corps sociaux, à des territoires... Le débat sur le statut de l'élu et le cumul des mandats nous dit que ce danger n'est pas illusoire.

 

Le système de représentation français cherche à concilier plusieurs impératifs :

- respecter la variété des opinions et des situations (avec un découpage en circonscriptions variables selon les types d'élection...),

- dégager une majorité pour gouverner (avec une prime au vainqueur du 1er tour ou la sélection de deux candidats au second tour...),

- garantir l'unité et l'indivisibilité du peuple souverain sur tout le territoire (grâce à l'organisation de courants de pensée nationaux...).

 

La tâche politique en France

 

C'est dans ce cadre-là que s'exerce la tâche politique proprement dite, qui se compose de plusieurs éléments. Tout d'abord de valeurs que les citoyens entendent promouvoir dans la société et que l'homme politique se doit d'afficher publiquement. Puis, le plan d'action qui va mettre en œuvre ces valeurs : projet de société, programme de gouvernement, etc. Ensuite, la stratégie pour permettre d'accéder au pouvoir et la méthode de gouvernement. Enfin, la tactique pour s'adapter aux situations.

 

En dehors de toute attache partisane et d'options sur les valeurs affichées, un regard critique incombe à tout citoyen d'une part pour juger de la cohérence de ces niveaux politiques : le plan d'action peut-il mettre en œuvre les valeurs ? la stratégie adoptée est-elle conforme aux objectifs, bref, les moyens correspondent-ils aux finalités ?  d'autre part pour estimer l'efficacité de ce travail : les résultats annoncés ont-ils été atteints ? à quels prix ? les valeurs sont-elle entrées dans les faits ?

 

La citoyenneté française

 

Nous voyons que la crise politique au sein du Conseil régional en Rhône Alpes dépasse le cadre régional, illustre une crise politique qui traverse tout citoyen, et non seulement le monde politique, pour nous rappeler les droits et devoirs de chacun.

 

Le souverain qui fait la loi en France, c'est le peuple en son entier et non pas quelques-uns. Il n'y a pas de peuple souverain rhône-alpin car il n'y a pas de territoire expérimental sans volonté de la représentation nationale (l'exception de Nouvelle Calédonie a été décidée démocratiquement). Font partie de ce peuple ceux que le peuple a décidés de considérer comme tels (calédoniens, normands, savoyards, nés sur le territoire, etc.)

 

Une stratégie qui contredit les valeurs affichées enlève toute crédibilité au politique : l'objectif d'une alliance électorale n'est pas de réduire le partenaire, mais de concourir à la réalisation d'objectifs communs à travers des valeurs partagées et un plan d'action négocié.

 

Une méthode de gouvernement qui aboutit aux résultats inverses à ceux que l'on poursuit (suppression de crédits culturels par exemple) en démontre l'inefficacité.

 

Une tactique qui, pour permettre de s'adapter à la situation (ici l'absence de majorité claire pour gouverner) cherche à obtenir un accord "technique" de gouvernement, c'est-à-dire sans accord ni sur le plan d'action ni sur les valeurs, rend incohérente la tâche politique entreprise.

 

 

La crise dans laquelle sont engagés les citoyens en Rhône Alpes à travers leurs représentants ne peut trouver de solutions que par une réaffirmation forte de ce qui depuis deux siècles, à part quelques périodes de retour à l'ancien régime, constitue le vivre-ensemble français, la citoyenneté et la tâche politique dans notre pays, ce qu’on nomme les valeurs de la République : souveraineté du peuple et responsabilité des élus devant leurs mandants, fin des privilèges et reconnaissance des mérites individuels, dignité de la personne et respect des opinions, droit à la liberté et devoir de fraternité...

 

Georges Decourt

chargé d'études à Economie & Humanisme

16 novembre 1998